mercredi 1 décembre 2010

Tension sociopolitique nationale : l’Eglise catholique inquiète, interpelle les Béninois


 


« Béninoise, Béninois, que veux-tu faire de ton Pays ? », C’est l’interrogation qui est l’intitulé du message des évêques aux popultions et surtout à la classe politique. Cette dernière lettre de la Conférence épiscopale catholique béninoise ne s’est pas écartée de l’actualité politique nationale. Dans leur déclaration, le collège des Evêques se démarque du cadre de concertation des confessions religieuses qui jusque-là n’a pu s’éviter de prendre position, voire même de prendre partie. Ainsi, sur la tension politique actuelle, L’Eglise romaine constate « une lutte de plus en plus acharnée pour conserver ou pour conquérir coûte que coûte le pouvoir, sans débat objectif ni préoccupation effective des intérêts réels des populations toujours en quête de bien-être ». Cette tension a pour fondement les conflits entre les Institutions, l’instrumentalisation de la religion, la montée du régionalisme, l’obsession entretenue des échéances électorales. A cet égard, le collège épiscopale lance cet appel aux Béninois : « Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,20). C’est le chemin pour la préservation de la paix, ont poursuivi les Evêques. Dans cet élan, les Evêques appellent à renouer avec l’esprit de la Conférence nationale des forces vives de la Nation. « Renouer avec l’esprit de la Conférence signifie pour chaque citoyenne, chaque citoyen intérioriser les principes de base qui fondent ses grandes décisions et continuent d’orienter nos Institutions. Vingt ans de pratique en ont montré les atouts autant que les limites. Il nous faut en renforcer les acquis, et en corriger de manière consensuelle les insuffisances » ont-ils expliqué.
Filles et Fils de Dieu Chers Compatriotes ! Béninoise, Béninois, que veux-tu faire de ton Pays ?

Telle est l’interrogation angoissante qui, depuis un certain temps, nous habite, nous vos Evêques. Elle rejoint l’inquiétude justifiée de la majorité des filles et fils de notre pays.
En effet, nous observons une lutte de plus en plus acharnée pour conserver ou pour conquérir coûte que coûte le pouvoir, sans débat objectif ni préoccupation effective des intérêts réels des populations toujours en quête de bien-être. Par ailleurs, nous sommes toujours en face des maux récurrents qui sous tous les régimes ont déçu les attentes et miné l’essor décisif de notre nation. Et puis, l’esprit béninois a désormais pris l’habitude de se laisser berner à chaque fois par des acteurs de la vie politique, au point de n’être jamais satisfait de personne ni de rien dans la gouvernance de l’Etat. Au regard de cela et de tant d’autres désillusions, on est en droit de se demander ce que nous, Béninoises et Béninois, nous voulons faire au juste de notre Pays. Pourtant, en cette année 2010, nous avons des motifs de rendre grâce au Seigneur : Vingt ans de la Conférence Nationale, cinquante ans d’indépendance, cent cinquante ans d’évangélisation en partenariat avec la Société des Missions Africaines. Nous rendons grâce à Dieu, d’abord parce que depuis vingt ans nous sommes toujours dans la mouvance démocratique, avec la stabilité inédite des Institutions de la République, la liberté des religions, la tolérance des opinions, le multipartisme, le droit de vote, l’alternance démocratique. Ensuite, en célébrant cinquante années d’indépendance, nous pouvons jubiler dans le Seigneur d’être sortis d’une situation de sujétion, d’avoir pris conscience de la sauvegarde de notre dignité et de nos droits, même si nous n’avons pas toujours bien perçu nos devoirs de citoyens. Enfin, cent cinquante ans d’évangélisation par l’Eglise Catholique à travers les villes et campagnes de nos terroirs, les diverses structures d’éducation et d’humanitaire, les nombreux Messages et Lettres pastorales de vos Evêques, leurs médiations, etc., ont sans nul doute marqué l’évolution et l’histoire de notre peuple. Autant dire que tout ne vas pas tellement mal chez nous qu’il n’y aurait plus aucun motif de rendre grâce au Seigneur. Jamais nous ne finirons de le remercier de nous avoir préservé du drame des guerres fratricides depuis l’Indépendance, d’avoir inspiré à notre Nation à chaque fois dans l’impasse des issues heureuses. Voilà pourquoi dans la situation de tension actuelle propre à la fin des mandats électoraux, et dans l’Espérance du Temps de l’avent qui nous ouvre à l’Avènement du Dieu Sauveur nous venons vous dire avec Saint Paul, l’Apôtre des Nations : « Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,20). Cette interpellation, nous nous permettons de vous l’adresser de manière pressante à vous tous, à nous tous, à nous tous, femmes et hommes de bonne volonté, citoyennes et citoyens de tous bords, personnalités et gouvernants de tous partis politiques. Nous venons vous inviter à jeter, pour un meilleur avenir ou devenir de notre pays, un regard de vérité sur certains faits et méfaits toujours actuels, sur nos mentalités et comportements, pour une conversion profonde des esprits et des cœurs. C’est celle-ci qui nous donnera de renouer avec le Seigneur source de tous de tous dons, pour restaurer la confiance entre nous, pour préserver chez nous la paix.

Première Partie : POURQUOI NOTRE PAYS EST-IL EN TENSION ?
  Scandales inédits ? Mauvaise gestion de la nation ? Crise économique ? Mais tout cela, nous l’avons connu sous d’autres régimes ; ceci n’excuse en rien les dirigeants actuels qui ont l’obligation morale de tirer les leçons du passé, pour mieux gérer le présent et mettre de manière décisive l’avenir des futures générations sur l’orbite du développement. C’est vrai, les élections d’avril 2006 ont suscité beaucoup d’espoir. Le peuple voulait en finir avec certaines pratiques politiciennes et leur cortège de corruption, d’impunité, d’inégalités et d’injustices sociales, etc. Aujourd’hui, le pays est en tension pour des raisons diverses, au centre desquelles l’hypertrophie de la politique partout et en tout, que secrètent sans répit la soif du Pouvoir, la lutte pour le Pouvoir. Sinon, comment expliquer les conflits entre les Institutions, l’instrumentalisation de la religion, la montée du régionalisme, l’obsession entretenue des échéances électorales ? Les conflits entre les Institutions L’impression est de plus en plus forte dans l’opinion publique que les Institutions sont récupérées et contrôlées par les coalitions politiques, d’où les tensions entre Parlement et Gouvernement, Parlement et Cour Constitutionnelle, Gouvernement et HAAC. Certes, en régime démocratique et pour sa consolidation, la mouvance présidentielle tout comme l’opposition doivent jouer leur rôle respectif dans des débats contradictoires. Mais il n’est nullement démocratique de vouloir neutraliser sinon écraser coûte que coûte le camp d’en face. Les tentatives d’opposition des Institutions les unes aux autres selon qu’elles sont contrôlées par une coalition ou une autre ne servent évidemment pas l’intérêt des populations. Elles constituent une menace sérieuse pour notre jeune démocratie et un risque pour les prochaines échéances électorales. Pendant qu’il en est encore temps, il faut revenir au fondement politique des grandes orientations de la Conférence Nationale qui affirme « le refus du parti unique, de la pensée unique, le refus du culte de la personnalité, le refus de l’embrigadement des populations dam un unanimisme de façade, le refus de toutes les entraves aux diverses libertés ». L’instrumentalisation politique de la Religion L’Etat non confessionnel voulu par notre Constitution ne saurait signifier indifférence vis-à-vis du fait religieux, encore moins son rejet. Il devra représenter plutôt un rempart pour la cohabitation des différentes religions et une instance de reconnaissance de leur rôle spécifique d’interpellation et de mobilisation des consciences autour des valeurs de sens de la patrie, de service du bien commun, d’amour fraternel, etc. Autant dire que toutes manœuvres, d’où qu’elles viennent, visant à se servir du religieux en politique ou vice-versa sont anticonstitutionnelles et contraires et à la religion et à la politique. A ce propos, nous observons depuis quelques années des groupes religieux se transformer de plus en plus en réseau souterrain de clientélisme politique. Cette instrumentalisation de la religion à des fins qui ne sont pas les siennes est dangereuse d’abord pour l’unité même des adeptes ou fidèles de ces confessions, ensuite pour la cohésion nationale. Cela est d’autant inquiétant que telle ou telle confession croit pouvoir affirmer que c’est leur tour de diriger le pays. Il faut opposer à cette dérive une grande vigilance, surtout en ce temps où dans certains pays africains voisins éclatent des explosions de violences liées au facteur religieux. Le grave danger du régionalisme Au fil des années et davantage de nos jours, les différences régionales et ethniques se transforment en antagonisme radical. On tente de nous imposer deux Bénin, le Nord et le Sud, et par voie de conséquence d’opposer les partis politiques du Nord à ceux du Sud, et même au sein de chaque région. Les acteurs politiques qui tiennent à faire fi de cette démarcation irrationnelle d’un autre âge sont menacés ouvertement de représailles. On a même entendu des leaders tenir dans leur fief des propos effarants d’excitation au mépris et à la haine génocidaires. Ici et là se répand désormais l’argumentaire de l’alternance du pouvoir selon des critères purement régionalistes. Se méfier des concitoyens avec lesquels on vivait jusque-là en paix et les percevoir subitement comme des ennemis potentiels et non de simples adversaires politiques, constituent un grave danger aux conséquences dramatiques non maîtrisables et à terme irréparables, comme nous l’observons dans plus d’un pays du Continent. Voilà pourquoi il faut dénoncer les tentatives d’ethnicisassions de l’usage du pouvoir et condamner le recours à l’ethnie comme instrument de mobilisation des électeurs. L’obsession des échéances électorales Les échéances électorales ont toujours été malheureusement chez nous des moments de grande tension, comme le confirment les périodes d’avant les présidentielles de 1996 et de 2006. Et pourquoi ? Parce que l’on tient à gagner les élections à n’importe quel prix. Aujourd’hui et pour cela, on discrédite l’adversaire politique par la diffamation, l’intoxication, les déballages sur sa vie privée. On répand des bruits sur des menaces d’enlèvement ou d’assassinat de tel ou tel acteur politique. Toutes ces manœuvres qui créent au sein de l’opinion une atmosphère d’angoisse et de peur ont pour unique et seul but de garder ou de gagner le Pouvoir.
Dans le même sens, certains en viennent à soutenir que le « pays serait à terre », et qu’il faudrait des hommes en uniforme pour prendre le pouvoir. Voilà des propos extrêmement graves auxquels peut conduire l’obsession des échéances électorales. Et ce n’est pas tout, car on y ajoute des actes coupables tels que le détournement des fonds publics pour acheter la conscience et les votes des citoyens ; ce à quoi s’attèlent aussi ceux qui aspirent au Pouvoir en cherchant de l’argent par tous les moyens et sans état d’âme. Pendant tout ce temps, l’administration tourne au ralenti, le suivi des programmes de développement est suspendu. Nul ne se préoccupe du sort des pauvres concitoyens, encore moins de leur formation civique. Eux-mêmes attendent le temps des élections pour se faire un peu d’argent aux dépens des leaders politiques. Tous ces comportements et agissements hypothèquent à chaque fois la maturité de notre Renouveau Démocratique. Certes, l’activité politique a besoin d’argent, mais la lutte enragée pour en avoir et de manière malhonnête, le dépenser sans compter dans nos sociétés confrontées au manque du minimum vital relèvent plutôt du scandale et faussent le jeu politique. Il importe que les échéances électorales redeviennent des moments de proposition de programmes alternatifs, et que le peuple soit constamment éduqué pour ne pas se livrer pour des riens à des leaders politiques, alors• que ses intérêts fondamentaux méritent plus d’attention.
Chers Frères et Sœurs en Christ, chers Compatriotes, nous vos Evêques, nous avons voulu attirer votre attention sur quelques méfaits qui ont généré et attisent toujours la tension dans notre pays. Ce faisant, nous vous invitons au rejet de toute psychose d’angoisse et de peur, mais surtout à la sérénité et à l’espérance en Dieu. Son amour reste toujours fidèle. Il nous appelle à nous tourner vers Lui ; et c’est bien Lui qui, au nom de notre foi, interpelle chacune, chacun de nous : Béninoise, Béninois, que veux-tu faire de ton Pays ?
Deuxième Partie : L’IMPERATIF DE LA CONVERSION
... Et si vous ne vous convertissez pas ... Un jour, des gens viennent rapporter à Jésus que Pilate a fait massacrer des nationalistes extrémistes Galiléens, pendant qu’ils offraient un sacrifice. Est-ce une punition divine ? Jésus évoque alors lui-même le cas de dix-huit personnes tuées sous l’effondrement d’une tour à Jérusalem, avant de conclure : « Pensez-vous qu’ils étaient de plus grands pécheurs que tous les autres ? Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux » (Lc 13,1-5). Un peuple, un homme, un dirigeant, a toujours besoin de conversion, de se remettre constamment en cause, pour se renouveler, pour transformer sa vie et par voie de conséquence la vie des autres. C’est à cette condition que l’on conjure la fatalité du malheur et tous ses risques d’autodestruction. Se convertir signifie d’abord se tourner entièrement vers Dieu, ainsi que l’exprime le prophète Jérémie dans sa supplique : « Convertis-moi, Seigneur, que je revienne à toi mon Dieu » (Jr31, 18) Croyants et chrétiens, nous savons que notre vie est dans les mains de Dieu, tout comme nos familles, notre peuple, notre nation. En Lui nous avons « le mouvement et l’être » (Ac 17,28). Rien n’arrive, rien ne se fait qui échappe à son auguste regard. C’est donc vers Lui que nous devons nous tourner, ainsi que nous l’avons toujours fait par le passé surtout dans les moments difficiles. Car « en dehors de lui, nous ne pouvons rien faire » Jn 15, 5). Seul Dieu, le tout-puissant, peut nous transformer de cœur et d’esprit, seul il peut nous indiquer les voies et moyens, nous donner force, courage et persévérance, pour faire du Bénin, terre bénie de nos Ancêtres, la nation unie et prospère pour tous ses Fils et Filles. Voilà pourquoi, comme nous y invite le Message final du dernier Synode pour l’Mrique, il nous faut « considérer toute chose à la lumière de la foi » ; tant il est vrai que la réconciliation des peuples n’est possible que dans la mesure où chacun se réconcilie avec son Dieu, agit et vit sous son regard d’amour et de vérité. Renouer avec l’esprit de la conférence nationale La première démarche de renouvellement personnel et collectif nous semble être de renouer avec l’esprit de la Conférence Nationale, cette immense grâce que le Tout­puissant a faite en 1990 à notre cher Pays au bord du gouffre. Qui donc peut douter que cette Conférence est un pur Don de Dieu, un Evénement fédérateur de notre Nation, un Acte fondateur de notre Renouveau démocratique, un sanctuaire des valeurs sacrées de notre Etat de droit ? On comprend que dans son Préambule notre Constitution reconnaît que cette Conférence a redonné confiance au Peuple et permis la réconciliation nationale. Renouer avec l’esprit de la Conférence signifie pour chaque citoyenne, chaque citoyen intérioriser les principes de base qui fondent ses grandes décisions et continuent d’orienter nos Institutions. Vingt ans de pratique en ont montré les atouts autant que les limites. Il nous faut en renforcer les acquis, et en corriger de manière consensuelle les insuffisances. La Conférence Nationale tout comme la Constitution du 11 décembre 1990 qu’elle a générée représentent le véritable rempart de notre Renouveau démocratique ; et c’est bien la conformité à leur esprit de défense et de promotion du bien commun qui pourra contribuer à restaurer la confiance, entre nous et à créer un climat de paix. Se convertir à l’éthique et à la spiritualité du pouvoir politique « Tout est politisé chez nous ; c’est la politique qui tue ce pays », entend-on dire souvent. Des propos que semble confirmer le mauvais jeu politique auquel se livrent nombre d’acteurs. La politique est perçue dans l’opinion comme le raccourci immoral pour disposer sans vergogne de l’argent du peuple, pour user, des trafics d’influence, pour abuser du pouvoir. On le voit, il urge de former les consciences à l’éthique et d’abord à la spiritualité du pouvoir politique. Celle-ci a trait au nécessaire rapport du pouvoir politique avec la foi en Dieu. La foi est l’instance qui donne sens et valeur à notre existence, à tout événement de la vie personnelle et sociale. Le Pape Jean-Paul II disait que « la foi doit éclairer et dynamiser tous les secteurs de la vie ». Cela signifie qu’elle a quelque chose à voir, à faire, à faire vivre dans ce secteur important de la vie sociale qu’est la politique.
L’homme a été créé par Dieu pour s’organiser en communautés humaines, pour s’engager dans la transformation du monde et donc de son pays. C’est au nom de sa foi que tout croyant doit aimer son pays et y agir pour en faire, comme dit l’Ecriture « le ciel nouveau et la terre nouvelle où règnera la justice » (2P 3,13). Voilà pourquoi le bienheureux pape Jean XXIII écrivait : « A tout croyant, il revient d’être dans le monde d’aujourd’hui comme une étincelle lumineuse, un centre d’amour et un ferment pour toute la masse. Cela, chacun le sera dans la mesure de son union à Dieu ». Du coup, notre foi en Dieu devient la règle morale de toute action politique. Ainsi, si Dieu donne le pouvoir, celui qui le détient ne sera fidèle à son Dieu qu’en le gérant selon la volonté divine. Il s’ensuit que toutes manœuvres politiciennes de roublardises, de faux-semblants, etc. violent la spiritualité du pouvoir politique et s’opposent à son éthique. Certes, le Christ ne nous a pas révélé comment nous organiser politiquement. Lui-même s’est refusé à se servir du pouvoir politique pour étendre son Royaume. Pourtant n’importe quel choix politique, n’importe quel agir politique n’est pas nécessairement conforme à l’idéal évangélique, c’est-à-dire au respect de la dignité de tout homme, à la bonne gestion du bien commun et à sa juste répartition. Paul VI écrivait à ce propos que « prendre au sérieux la politique à ses divers niveaux, c’est affirmer le devoir de l’homme ... de chercher à réaliser ensemble le bien de la cité, de la nation, de l’humanité. La politique est une manière exigeante de vivre l’engagement chrétien au service des autres ». Pour sa part, le pape Benoît XVI a récemment souhaité que surgisse une « nouvelle génération de personnalités politiques catholiques qui soient sans complexe d’infériorité ». Cela implique, précise-t-il, « un chemin de formation intellectuelle et morale qui, en partant des grandes vérités sur Dieu, l’homme, le monde, offre des critères de jugement, des principe éthiques pour interpréter le bien de tous ». Et de conclure qu’il s’agira de former les consciences chrétiennes dans un esprit de service et dans la cohérence avec la foi professée. Au total et pour restituer à l’activité politique sa noble vocation de service, le chrétien béninois devra être désormais de ceux qui, au risque d’un échec apparent et provisoire, ont le courage de se battre politiquement en toute vérité, à cœur ouvert et à visage découvert. Face à la lutte fratricide pour le pouvoir et la soif de l’avoir, il se doit d’être le fossoyeur de la haine et de la corruption, le veilleur et la conscience de la nation, le prophète de l’Espérance. Se convertir de cœur et d’esprit « Le cœur de l’homme est rusé plus que tout et pervers », s’exclame Jérémie (Jr 17,9). Car, précise l’Evangéliste, « c’est du dedans, du cœur des hommes que sortent les desseins pervers ... toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme » (Mc 7, 22-23). Ce dedans sournois, nous savons bien l’exprimer dans nos langues locales en proverbe populaire : « Les dents rient mais le dedans du ventre est tout autre ». Il en est ainsi de tous les hommes de tous les temps. Nous ne sommes pas pires ni meilleurs. Mais nous sommes conscients d’être béninois, au point de qualifier nos propres travers de « béninoiseries », cette manière d’être et de vivre qui traduit un cœur et un état d’esprit peu recommandables.
C’est au-dedans qu’il faut rompre avec :

 L’art de la ruse, de la roublardise, du double langage qui est un système de mensonge sécuritaire, l’autre étant a priori perçu comme une menace pour mes intérêts personnels, comme un ennemi potentiel. Or, comme le dit l’apôtre Pierre, il nous faut « rejeter toute méchanceté et toute ruse, toute forme d’hypocrisie, d’envie et de médisance ... afin de grandir pour le salut. » (1Pi 2, 1.2)

 L’allergie au bien de l’autre qui secrète le mal gratuit de la sorcellerie, de l’envie, de la jalousie, un mal marqué par la sentence du « moi ou rien ». Cette mentalité ravageuse est à la source des dossiers et avancements bloqués, du manque de solidarité entre Béninois tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle explique aussi pourquoi l’on se méfie les uns des autres, au point d’avoir peur de manger et de boire même chez ses propres amis.

 La culture du chacun pour soi, du « ôte-toi de là que je m’y mette ». On préfère savoir et avoir seul, être le seul heureux, plutôt que de rendre les autres également heureux. Que de tradi-thérapeutes et d’initiés aux traditions ancestrales ont disparu sans avoir voulu léguer leurs secrets. Toutes ces « béninoiseries » et d’autres encore n’aident visiblement pas à construire des relations fraternelles sincères ni à se mettre ensemble pour édifier une même nation. Que faire de bien et de juste et de vrai dans notre pays si par nos mentalités et comportements nous continuons à entretenir des entraves stérilisantes à l’amour et à la paix. C’est pourquoi, comme le dit le Sage biblique : « revenons au Seigneur du fond du cœur et de toute notre âme pour agir dans la vérité devant lui » (Tb 13,6 ; cf Jr 18,11).
CONCLUSION
Béninoise, Béninois, que veux-tu faire de ton Pays ?

 Tu feras de ton Pays ce que Dieu a voulu faire de toi : son Enfant dont la raison d’être ou la vocation est de transformer le monde qu’il a créé, la Patrie qu’il t’a confiée (cf Gn 1,26-28).

 Tu feras de ton Pays ce que tu veux faire de toi-même, de ton avenir, de ta vie : un Destin de bonheur pour lequel tu es décidé à te battre jusqu’au dernier souffle.

 Tu feras de ton Pays ce que tu voudras faire de tes enfants, de tes frères et sœurs, de tes parents : une Famille soudée où l’on se soutient les uns les autres pour la réussite de chacun et de tous.  Tu feras de ton Pays ce que tu désires faire de ta maison, de ton lieu de travail, de ton milieu d’amis : un havre de paix, où l’on se respecte les uns les autres et se refuse à toutes formes de violences, de rébellions, de séditions, dans la maîtrise de soi. Car, « on a beau avoir du sang rouge au ventre, on crache pourtant de la salive blanche ».

 Tu feras de ton Pays ce que tu auras fait de ta foi en Dieu. Cette foi, si tu l’as gros comme un grain de sénevé, te rendra capable de soulever avec tous les autres croyants les montagnes d’obstacles qui nous empêchent d’aller de l’avant. Que ce Dieu Tout-puissant féconde tes efforts de citoyen et de citoyenne ! Qu’Il bénisse de toutes ses grâces cette année nouvelle que son Amour t’offre pour la paix dans ton cœur et dans ton pays ! Qu’il te protège et te soutienne par son Fils Jésus Christ Notre Seigneur dans l’unité du Saint-Esprit et sous le regard maternel de la Très Sainte Vierge Marie !
Parakou, le 18 octobre 2010
En la fête de St Luc

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